La Seine-Saint-Denis est le territoire le plus jeune de France métropolitaine. Cependant, le nombre de personnes âgées, et parmi elles, de personnes dépendantes, va fortement continuer s’accroître dans les prochaines années. Les projections de l’INSEE indiquent que d’ici 2035, le nombre de personnes âgées d’au moins 60 ans vivant dans le département devrait augmenter de 45%, et de 119 % pour les personnes âgées d’au moins 85 ans. C’est le taux de progression le plus important de la région Île-de-France.
Dans le même temps, l’offre médico-sociale, les « places » en foyer ou en EHPAD, ne suit pas la même progression sur notre territoire et sont déjà en nombre insuffisant face aux demandes. De plus, la pandémie de Covid-19 a été un redoutable accélérateur des situations de dépendance. Face aux manques d’investissement de l’État dans ces structures et à l’envie qui s’exprime chez des personnes âgées ou handicapées de pouvoir vivre le plus longtemps possible dans un logement personnel, il est urgent de créer une troisième voie entre un hébergement collectif et une vie seule au domicile parfois vectrice d’isolement. C’est l’objectif poursuivi par la charte de coopération « pour des quartiers inclusifs en Seine-Saint-Denis » (2021-2023), signée par de nombreuses institutions en charge des politiques de l’autonomie, de l’habitat et de l’aménagement comme le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine, l’AORIF – Union Sociale pour l’Habitat, l’Agence Régionale de Santé, la Caisse des Dépôts, l’Assurance Retraite, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement.
Pour garantir un maintien à domicile dans de bonnes conditions, c’est à l’ensemble de l’environnement social et urbain de se transformer pour mieux inclure dans la vie de quartier. Les dynamiques de renouvellement urbain qui traversent notre territoire, avec de grands projets d’aménagement, offrent justement une occasion rare de repenser nos quartiers et de les adapter aux enjeux de l’autonomie.
La Seine-Saint-Denis, qui compte 1,6 millions d’habitants, connait des mutations urbaines considérables. Le Nouveau Programme de Renouvellement Urbain est une de ces mutation. Si la problématique du vieillissement touche nombre de quartiers populaires, elle est rarement abordée explicitement. Face à ce constat, le Département, chef de file en matière d’autonomie des personnes, et les signataires de la charte de coopération, se proposent à travers un référentiel, d’accompagner les collectivités locales, les maîtres d’ouvrages (bailleurs sociaux, aménageurs, promoteurs) et leurs partenaires (bureaux d’études, services de l’État, acteurs de l’économie sociale et solidaire) dans leurs projets d’aménagement urbain, pour y intégrer une approche complémentaire sur l’inclusion des personnes en perte d’autonomie vivant dans le quartier. En étroite collaboration avec les Établissements Publics Territoriaux et les communes de Seine-Saint-Denis, douze quartiers ont été sélectionnés, dont le quartier du vieux Saint-Ouen, et bénéficieront d’une assistance à maîtrise d’ouvrage, avec l’objectif de mettre en œuvre certaines recommandations du référentiel dans les territoires concernés.
Au-delà d’un accompagnement à l’échelle de quartiers identifiés, il s’agit plus globalement d’acquérir collectivement des compétences en matière d’urbanisme favorable à la santé et d’habitat inclusif. Le présent référentiel a vocation à être partagé, de manière à influer, à grande ou à petite échelle, sur les mutations urbaines à l’œuvre. Tout acteur peut s’en saisir.
Au travers de cette démarche, il s’agit de faciliter le maintien à domicile et l’inclusion des personnes en situation de perte d’autonomie, séniors mais également les personnes en situation de handicap, dans leur quartier. La prise en compte des fragilités liées au vieillissement ou au handicap est plurielle et intègre une diversité de situations pour lesquelles des solutions concrètes peuvent être identifiées et mises en place. Au-delà de l’appréhension des publics en perte d’autonomie, l’approche développée ici implique l’intégration de l’ensemble des usagers d’un quartier, susceptibles d’être exposés à des vulnérabilités plus ou moins durables, avec un degré d’intensité variable et qui impactent leur mobilité ainsi que leur manière d’habiter et de pratiquer leur territoire de proximité au quotidien. Ainsi, certaines préconisations identifiées pourront profiter aux personnes âgées, à certaines personnes en situation de handicap, mais également aux femmes enceintes, aux familles avec poussettes, aux enfants en bas âge, et bien d’autres encore.
Le présent référentiel « Seine-Saint-Denis favorable au vieillissement et au handicap » a pour vocation de fonctionner comme un document-ressource opérationnel, illustré et permettant aux communes de disposer de pistes d’actions applicables sur leur territoire.
Alors que se déroule la conférence National du Handicap, plus de 60 conseillères et conseillers départementaux, maires et parlementaires ont décidé d’unir leurs voix dans une tribune pour faire entendre la nécessité d’un le virage “inclusif” qui ne doit laisser personne au bord du chemin. Or, dans le contexte politique actuel où la réduction de la dépense publique fait office de politique, le virage « inclusif » annoncé par le Gouvernement fait d’abord craindre une volonté d’économies budgétaires.
Si des voix s’élèvent, pour appeler la France à « dés-institutionnaliser » sa politique du handicap, c’est-à-dire à cesser de construire, voire à fermer, les établissements spécialisés dans la prise en charge des personnes en situation de handicap, rappelons que la Seine-Saint-Denisaccuse le déficit le plus important de métropole avec un taux d’équipement 3 fois inférieur à la moyenne nationale. Faute de possibilité d’accueil dans des établissements, la responsabilité des accompagnements se déporte sur d’autres institutions. C’est le cas de l’Ecole par exemple, vers laquelle sont orientés les enfants, y compris ceux avec les handicaps les plus lourds. On compte en Seine-Saint-Denis, près de 2500 enfants en attente d’un AESH. Parmi ces enfants, seulement 1 sur 5 est scolarisé à temps plein, et 44% ne sont pas scolarisés du tout.
La France doit permettre à toutes les personnes en situation de handicap de choisir leur lieu et leurs conditions de vie. L’inclusion en « milieu ordinaire » doit évidemment être facilitée, mais elle ne peut pas constituer une solution par défaut, faute d’investissement de la nation dans des alternatives médico-sociales de qualité.La CNH doit être l’occasion d’annoncer un investissement massif pour rattraper et développer l’offre à destination des enfants et des adultes en situation de handicap, notamment dans les territoires les plus carencés.
Dans quelques jours, aura lieu la Conférence Nationale du Handicap, qui sera l’occasion d’affirmer les ambitions de la France en matière de handicap pour les années à venir. Des voix s’élèvent, en particulier au sein des institutions internationales, pour appeler la France à « dés-institutionnaliser » sa politique du handicap, c’est-à-dire à cesser de construire, voire à fermer, les établissements spécialisés dans la prise en charge des personnes en situation de handicap. Cette recommandation rejoint la volonté légitime de nombreuses personnes en situation de handicap d’accéder à un mode de vie moins stigmatisant et plus autonome : rester à domicile auprès de leur famille, être scolarisées dans des classes ordinaires, accéder à des emplois de droit commun, bref, être pleinement incluses dans la société.
Nous défendons avec force ce projet de société inclusive. A condition seulement qu’il soit gage de qualité, que la possibilité de choisir demeure et que cela corresponde aux besoins des personnes en situation de handicap. Or, dans le contexte politique actuel où la réduction de la dépense publique fait office de politique, le virage « inclusif » annoncé par le Gouvernement fait d’abord craindre une volonté d’économies budgétaires.
Surtout, le manque d’établissements produit, dans la pratique, des résultats dramatiques pour les personnes concernées, ainsi que peuvent déjà l’observer certains territoires très fortement carencés en solutions médico-sociales. C’est le cas de la Seine-Saint-Denis, qui accuse le déficit le plus important de métropole avec un taux d’équipement trois fois inférieur à la moyenne nationale.
De fait, la notion de « handicap » recouvre aujourd’hui des situations très diverses, dont un grand nombre qui continuent à nécessiter un accompagnement dans les gestes et situations du quotidien.
Faute de possibilité d’accueil dans des établissements, ou d’accompagnement à domicile par des services professionnels spécialisés, la responsabilité de cet accompagnement se déporte sur d’autres institutions, elles-mêmes souvent fragilisées. C’est le cas de l’Ecole, vers laquelle sont orientés les enfants, y compris ceux qui présentent les handicaps les plus lourds, sans pour autant que l’appui d’un Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap ne leur soit bien souvent proposé. On compte aujourd’hui, pour la seule Seine-Saint-Denis, près de 2500 enfants en attente d’un AESH. Les conséquences sont catastrophiques : parmi ces enfants, seulement un sur cinq est scolarisé à temps plein, et 44% ne sont pas scolarisés du tout. Faute de moyens, ces enfants subissent une scolarité dégradée, en pointillés, que l’on ne saurait absolument pas qualifier d’ordinaire et encore moins d’inclusive. Le déficit de solutions médico-sociales revient également, et peut-être surtout, à s’appuyer beaucoup plus fortement sur la famille. Les «aidants familiaux» sont de plus en plus sollicités pour assurer l’essentiel de l’accompagnement, avec le poids très lourd que cela fait peser sur eux.
Une enquête réalisée récemment par le Département auprès des 2500 familles en attente d’une place en établissement pour leur enfant montre que, dans 57% des familles concernées, l’un des deux parents a dû arrêter de travailler pour s’occuper à plein temps de leur enfant ; dans 93% des cas, il s’agissait de la mère. Ces résultats viennent nous rappeler que les aidants sont presque toujours, en réalité, des aidantes, et que « l’émancipation » des uns se fait aujourd’hui trop souvent au détriment de leurs mères, de leurs sœurs, de leurs épouses ou de leurs filles.
Cette situation est d’autant plus injuste qu’elle pénalise en particulier les familles les plus fragiles, pour qui l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap lourd se transforme trop souvent en chemin de croix : les familles monoparentales, celles qui vivent sous le seuil de pauvreté, celles qui viennent d’arriver sur le territoire et ne disposent pas d’un entourage proche pour les appuyer, celles qui vivent dans des logements trop exigus pour permettre l’intervention d’intervenants spécialisés, celles qui peinent à accéder aux soins, parfois du fait de la fracture numérique ou de la barrière de la langue, celles qui n’ont pas les ressources sociales ou financières pour proposer quotidiennement à leur proche des activités stimulantes et de qualité.
Pour ces familles, il devient alors malheureusement fréquent que l’absence de possibilité d’accueil en établissement entraîne un phénomène d’épuisement voire de maltraitance parentale, pouvant conduire à une décision de placement de l’enfant au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance : en Seine-Saint-Denis, ce sont près de 10% des enfants placés à l’ASE – soit 900 enfants – qui sont en situation de handicap. Sans oublier la situation, de plus en plus fréquente, des personnes handicapées âgées qui vieillissent à domicile, accompagnées au quotidien par des parents qui deviennent eux-mêmes dépendants.
Les difficultés que connaît notre pays, et dont la Seine-Saint-Denis montre un condensé, peuvent difficilement constituer l’horizon désirable de la politique française en matière de prise en charge du handicap. La France doit permettre à toutes les personnes en situation de handicap de choisir leur lieu et leurs conditions de vie. Ces choix doivent d’ailleurs pouvoir évoluer au fil de leurs besoins et de leur parcours de vie. L’inclusion en « milieu ordinaire » doit évidemment être facilitée et encouragée, mais elle ne peut pas constituer une solution par défaut, faute d’investissement de la nation dans des alternatives médico-sociales de qualité. Ce que nous devons avant tout aux personnes en situation de handicap et à leurs familles c’est la possibilité d’un choix libre, qui ne soit ni l’assignation à l’établissement ni l’assignation au domicile. Voilà la société inclusive à laquelle nous aspirons.
Ce virage ne pourra pas être pris sans y mettre les moyens suffisants. La CNH doit être l’occasion d’annoncer un investissement massif pour rattraper et développer l’offre à destination des enfants et des adultes en situation de handicap, au bénéfice notamment des territoires les plus carencés : il manque en Seine-Saint-Denis près de 5000 places par rapport à la moyenne nationale. Un tel plan doit aussi être l’occasion pour les autorités publiques d’inventer l’établissement médico-social de demain.
Loin de l’institution paternaliste, stigmatisante et fermée sur elle-même que nous avons connue par le passé, il faut repenser des espaces qualitatifs, ouverts sur le monde extérieur, qui mettent au cœur de leur projet l’autonomie et l’autodétermination des personnes. Les personnes accompagnées, leurs familles, les gestionnaires, sont prêts à prendre ce virage. Ils en ont tout simplement besoin, et notre société aussi !
Les signataires :
François Asensi, Maire de Tremblay-en-France Eliane Assassi, Sénatrice, Présidente du groupe CRCE Nadia Azoug, Conseillère départementale Zartoshte Bakhtiari, Maire de Neuilly-sur-Marne Laurent Baron, Maire du Pré-Saint-Gervais Bélaïde Bedreddine, Conseiller départemental Lionel Benharous, Maire des Lilas Bruno Beschizza, Maire d’Aulnay-sous-Bois, Président de Paris Terres d’Envol Patrice Bessac, Maire de Montreuil, Président d’Est-Ensemble Stéphane Blanchet, Maire de Sevran Jean-Baptiste Borsali, Maire du Bourget Karim Bouamrane, Maire de Saint-Ouen-sur-Seine Soumya Bourouaha, Députée Sylvia Capanema, Conseillère départementale Vincent Capo-Canellas, Sénateur Tessa Chaumillon, Conseillère départementale Hervé Chevreau, Maire d’Epinay-sur-Seine Emmanuel Constant, Conseiller départemental Eric Coquerel, Député, Président de la Commission des Finances Alexis Corbière, Député Rolin Cranoly, Maire de Gagny François Dechy, Maire de Romainville Dominique Dellac, Conseillère départementale Christian Demuynck, Maire de Neuilly-Plaisance Frédérique Denis, Conseillère départementale Tony Di Martino, Maire de Bagnolet Corentin Duprey, Conseiller départemental Dieunor Excellent, Maire de Villetaneuse Jean-Paul Fauconnet, Maire de Rosny-sous-Bois Oriane Filhol, Conseillère départementale Michel Fourcade, Maire de Pierrefitte-sur-Seine Karine Franclet, Maire d’Aubervilliers Raquel Garrido, Députée Fabien Gay, Sénateur Quentin Gesell, Maire de Dugny Elodie Girardet, Conseillère départementale Mohamed Gnabaly, Maire de L’Île-Saint-Denis Daniel Guiraud, Conseiller départemental Mathieu Hanotin, Maire de Saint-Denis, Président de Plaine Commune Stéphen Hervé, Maire de Bondy Fatiha Keloua-Hachi, Députée Bertrand Kern, Maire de Pantin Pascale Labbé, Conseillère départementale Aude Lagarde, Maire de Drancy Pierre Laporte, Conseiller départemental Emilie Lecroq, Conseillère départementale Xavier Lemoine, Maire de Montfermeil, Président de Grand Paris Grand Est Séverine Maroun, Conseillère départementale Frédéric Molossi, Conseiller départemental Mathieu Monot, Conseiller départemental Stéphane Peu, Député Thomas Portes, Député Gilles Poux, Maire de La Courneuve Abdel Sadi, Maire de Bobigny Zaïnaba Said Anzum, Conseillère départementale Olivier Sarrabeyrouse, Maire de Noisy-le-Sec Eric Schlegel, Maire de Gournay-sur-Marne Azzédine Taïbi, Maire de Stains
Magalie Thibault, Conseillère départementale Ludovic Toro, Maire de Coubron Stéphane Troussel, Président du Département de la Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé, Députée Mélissa Youssouf, Conseillère départementale