Le Green docks : Comment préserver le label Natura 2000

Avec ses 600 mètres de long et ses quatre étages, le futur entrepôt Green Dock, sur le port de Gennevilliers, devrait accueillir jusqu’à 16 entreprises, soit 90 000 m2, et 35 m de haut en bord de Seine ! L’implantation de ce gigantesque entrepôt routier sur les berges de la Seine fonctionnant 24 h sur 24 a donné lieu à de nombreuses réactions dont un grand nombre concernant le devenir du parc départemental de l’île Saint-Denis. Comment imaginer qu’une telle construction serait sans conséquence sur la biodiversité, sur la continuité et la tranquillité écologique pour la faune (53 espèces) et la flore.

Le futur entrepôt « Green Dock » longera, dans une très grande proximité (à peine une cinquantaine de mètres), la pointe aval de l’Île-St-Denis, qui est la première zone naturelle non-anthropique que l’on trouve en aval de Paris. Il s’agit d’une zone naturelle protégée ZNIEFF labellisée Natura 2000, en raison de l’intérêt majeur de son écosystème. C’est également une réserve ornithologique abritant plusieurs espèces d’oiseaux rares et menacées, dont le Martin-Pêcheur d’Europe et le Grand Cormoran (plusieurs centaines d’individus y hivernent chaque année), ainsi que le Faucon Crécelle et la Sterne Pierregarin.

Sans remettre en cause l’existence d’un port et des activités qui en découle dans ce secteur, il me semble que le projet de Green docks est aujourd’hui incompatible avec un tel espace de biodiversité à ces côtés.


En effet, comment imaginer la cohabitation entre ces espèces protégées par la Directive Oiseaux de l’Union Européenne, dont le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) stipule qu’il ne faut pas les perturber et respecter leur tranquillité, et une barre d’immeuble en verre de 12 étages dangereuse pour leurs trajectoires de vol, et fonctionnant la nuit avec un éclairage nocif pour eux ?

De plus, sur les plans du futur « Green Dock », une rampe à poids lourds emmènera les camions, jour et nuit, à 25 mètres de haut et les fera ensuite redescendre dans un ballet incessant. Cette circulation se situe en plein devant l’habitat naturel de ces espèces d’oiseaux protégées. Si les données fournies par les promoteurs admettent d’ailleurs un problème de dépassement des limites autorisées en termes de pollution sonore, aucune solution satisfaisante n’est, pour l’heure, apportée à ce problème.

Nous pouvons également évoquer la pollution lumineuse qui est un enjeu important pour les oiseaux qui nichent dans la zone Natura 2000. Les études du promoteur que le futur entrepôt n’augmentera que légèrement la luminosité actuelle dans cette zone. Mais elles oublient que la parcelle voisine est à l’est du futur entrepôt produit aujourd’hui un éclairage nocturne intense et anormal. Ainsi les promoteurs de « Green Dock » se basent donc sur une situation existante problématique (et qui doit changer) pour minimiser l’impact de leur projet.

De plus, cet entrepôt interrompra un corridor de biodiversité et constituera une menace pour la continuité des trames verte (végétal), bleue (aquatique) et noire (nocturne) en région parisienne.

En réalité, le principal problème tient au fait que leur étude d’impact environnemental ne couvre que la parcelle même du futur entrepôt, et néglige de prendre en compte les conséquences négatives de son fonctionnement sur la zone Natura 2000.
Alors que chaque jour nous entendons des méfaits de la crise climatique sur nos conditions de vie, nous ne pouvons accepter que le projet « Green docks » remettre en cause cet îlot de fraîcheur et de biodiversité de la petite couronne. C’est l’opposé des objectifs d’intérêt général, d’insertion urbaine et paysagère annoncés. Le partage avec les activités de loisirs, de promenade est remis en cause.

Une décision de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 17 juin 2019 rappelle qu’il est nécessaire de mener une étude d’impact « large » pour les projets situés à proximité d’une zone Natura 2000 même s’il n’est pas dans le périmètre : https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURADMINISTRATIVEDAPPELDEMARSEILLE-20190617-17MA00976

Je mets ici en exergue les points qui me semblent être en lien avec la situation du « Green dock »

« 6. Il résulte de l’instruction que le terrain d’assiette du projet, d’une superficie totale de 235 725 m², qui faisait précédemment l’objet d’une exploitation agricole, se situe aux abords de la zone spéciale de conservation  » Crau centrale-Crau sèche  » désignée site Natura 2000 en application de la directive 92/43/CEE, par arrêté interministériel du 22 janvier 2010, en raison notamment des objectifs de conservation de la population de chiroptères présente sur ce site, et à moins de 400 mètres de la zone de protection spéciale dite  » Crau sèche « , destinée à protéger certaines espèces d’oiseaux, désignée également site Natura 2000 au titre de la directive 79/409/CEE, par arrêté interministériel du 20 octobre 2004. La circonstance que la zone d’emprise du projet ne se situe pas dans un de ces périmètres de protection règlementaire n’est pas de nature à dispenser l’exploitant d’examiner les incidences que l’installation en cause serait susceptible d’avoir sur les espèces et habitats présents dans ces sites voisins, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et du II de l’article R. 414-19 du même code. »

 « 7. Il résulte de l’instruction que l’étude d’impact qui ne comporte aucun inventaire des espèces faunistiques et floristiques recensées sur le site, se contente d’indiquer que les » cortèges faunistiques observés lors des visites de site n’ont révélé qu’un cortège d’espèces banales et ne présentant pas d’enjeux de conservation. «, alors que le pré-diagnostic annexé à cette étude mentionne que » des espèces protégées sont potentiellement présentes dans les lisières arborées «. S’agissant de la flore, selon cette même étude, » au vu des habitats et des cortèges d’espèces observés, la présence d’espèces remarquables et notamment protégées et/ou menacées parait très peu probable «. Ces évaluations sont contredites par le rapport du bureau d’études » Groupe Chiroptères de Provence » (GCP) réalisé en octobre 2014, dont il ressort que les friches, les vergers et les réseaux de haies, dont il est prévu la suppression par le projet en litige, sont susceptibles de constituer des habitats ou des zones de chasse pour les chiroptères présents sur le site Natura 2000 » Crau centrale-Crau sèche «, situé à proximité de la zone d’emprise du projet. Par ailleurs, selon une étude datée du 5 octobre 2017, portant sur les chiroptères de la zone du Mas de Gouin et ses alentours, réalisée par un consultant en biodiversité durant un cycle biologique complet de septembre 2016 à août 2017, au moins 17 espèces de chiroptères parmi les 34 que compte le territoire national, toutes inscrites à l’annexe 4 de la directive européenne 92/43/CEE, sont présentes sur cette zone d’étude. Certaines de ces espèces comme le Murin de Capaccini, le Minioptère de Schreibers, la Barbastelle d’Europe, le Murin de Bechestein, représentent un enjeu local de conservation très fort. Il résulte également de l’instruction que le terrain d’assiette du projet est limitrophe d’une haie identifiée dans la trame verte et bleue du plan local d’urbanisme de Saint-Martin de Crau et inscrite à l’item 9 de l’article 1er pour le site Natura 2000 » Crau centrale-Crau sèche «. Cette haie draine un des cinq grands axes de connexion offerts par les milieux arborés pour la faune associée notamment les chiroptères arboricoles et les oiseaux cavicoles présents au sein du site Natura 2000 » Crau centrale-Crau sèche «. Au regard de la superficie particulièrement importante des zones actuellement en l’état naturel qui seront artificialisées ou altérées dans le cadre de ce projet et de la position de ces terrains située à faible distance de deux sites Natura 2000, le projet en litige doit, dès lors, être regardé comme susceptible d’affecter de manière significative un ou l’autre de ces sites et entre, par voie de conséquence, dans le champ des dispositions précitées des articles R. 414-19 et R. 414-23 du code de l’environnement. Dans ces conditions, le dossier de demande d’autorisation présenté par la SARL La Thominière qui ne comprend pas d’analyse suffisante des effets, temporaires ou permanents, directs ou indirects, que l’installation projetée peut avoir sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation des sites Natura 2000 et qui se borne, en outre, à prévoir comme mesures compensatoires que la réduction des impacts lumineux du projet sur la population des chiroptères, méconnaît les dispositions précitées du code de l’environnement. Dans les circonstances de l’espèce, la méconnaissance de ces dispositions, d’une part, n’a pas permis l’information complète de la population et, d’autre part, a été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. »